Ce matin, je tombe sur l’article La french Touch du code de Tariq Krim.

Malgré une légère tendance à l’idéalisation du modèle américain1, ça part plutôt bien. On parle de la valorisation du métier de développeurs, de leur implication nécessaire dans la réussite des projets. Ce sont des sujets qui me tiennent vraiment à coeur, et ça me fait donc agréablement plaisir de voir qu’ils peuvent peut être être correctement relayés au niveau du gouvernement.

Pendant, un instant, j’imagine un futur proche où mon talk sur le Software Craftsmanship serait devenu inutile. Où après avoir annoncé mon tarif, je n’aurais pas droit à un petit rire suivi d’un non mais, sérieusement, c’est quoi votre tjm ?2. Je rêve du monde où trouver un code propre serait la règle, et plus l’exception.

Je pense à mes amis Isabelle, Sébastien, Xavier et tous leurs collègues profs en IUT Informatique qui se battent pour faire rentrer la qualité du développement au sein du programme national. Ils vont avoir de l’aide, et les écoles d’informatique arrêteront de produire de la chair à canon pour SSII.

Je vois aussi ce développeur qui pourra assumer fièrement sa profession au repas de famille sans craindre le regard gêné/réprobateur du tonton à 35 ans il fait encore ces âneries, il ne devrait pas déjà être chef ? ou qu’on lui demande puisque t’es dans les ordinateurs, tu pourras m’aider, j’ai un document à scanner pour la sécu mais je sais pas comment on fait.

J’y ai cru… Ça a duré quelques secondes. Et après, je suis tombé sur la solution proposée :

J’ai constitué une première liste de 100 personnes : la fine fleur de nos talents numériques.

Les indicateurs DARES annoncent en moyenne 550 000 emplois dans le secteur de l’informatique. On doit pouvoir sans trop se tromper dire qu’il y a un minimum 150 000 développeurs en France.

Donc la solution pour valoriser le travail de ces 150 000 personnes3, c’est d’en prendre 100 et de les mettre sur un podium…

100 qui ont d’ailleurs déjà été élus par l’auteur, mais qui, dans un souci d’exhaustivité a demandé à ses amis de compléter. Les fameux 100 développeurs de talents que l’on montrera en exemple seront donc, ce que laisse penser l’article en tout cas, majoritairement connus de Tariq. Des amis et connaissances. C’est malheureusement le seul critère de sélection abordé. Rien sur la qualité de leur travail, le pragmatisme, l’aide apporté aux autres…

Cent développeurs d’élite auto-proclamés au-dessus pour en mettre 150 000 en dessous. Tout ce qui me fait horreur.

Car moi, quand je pense développeur de talent, je pense à mon pote Marco, qui n’a jamais fait partie d’une boite vraiment connue, qui n’a pas de blog, qui ne présente rien dans les conférences mais qui pourtant n’est jamais avare d’énergie, d’idée et de questionnement pour rendre le code plus clair et plus efficace. Sans qui aujourd’hui, j’aurais probablement arrêté d’écrire du code.

Je pense à tous ceux avec qui j’ai eu la chance d’écrire des applications ou seulement quelques lignes de code, ou juste d’en discuter autour d’une bière et qui, tous4, m’ont rendu un peu meilleur, un peu plus humble, un peu moins con, un peu plus ouvert, un peu plus déterminé, un peu moins ignorant, un peu plus fou aussi.

Je pense à tous les développeurs anonymes qui, tous les jours, font leur métier avec professionnalisme, pragmatisme et fierté5 en guidant ceux qui le souhaitent sans rien attendre en retour. Juste par amour du travail bien fait.

Tous ces gens formidables que Tariq Krim ne peut pas connaître.

Ce sont eux les vrais héros du code. Ils sont bien plus de cent. Et ce sera grâce à eux si mes rêves se concrétisent un jour.

Ils sont trop nombreux et trop anonymes pour que personne ne puisse jamais en faire la liste. Et c’est probablement bien mieux comme ça.

Merci.

– à lire sur le même sujet, la réflexion de @mageekguy sur la pertinence d’une telle liste

Bruno a pris le temps de se poser pour écrire un très beau billet sur le sujet : Une liste, et après ?

– un grand merci à Jérôme, Nicolas, Pierre-Yves, Nathalie, Baptiste, Soft(ware)Ball et Erwänn pour les lectures attentives.

  1. tout n’est pas rose non plus chez eux et leur healthcare.org vaut bien notre Louvois :). 

  2. oui, c’est une histoire vraie. 

  3. au minimum 

  4. non, je n’en ferai pas la liste :) 

  5. oui, c’est une référence à l’excellent livre de Sandro Mancuso